Les oiseaux de Musandam
Tout commence par une rencontre presque banale: on dirait une mouette, sur un bloc de matière synthétique qui sert de flotteur bon marché à un casier de pêcheur.
Peu farouche, l'oiseau se laisse approcher par l'annexe motorisée, chargée de ses touristes bigarrés et joyeux. C'est une sterne.
Tiens, tiens. Intéressant..., et peu courant.
Puis le bateau longe à nouveau la falaise.
Immobile, un cormoran nous observe de son oeil émeraude, le bec pointé vers le ciel, comme pour mieux nous impressionner.
C'est un jeune de l'année, qui nous laissera l'approcher de très près, non par bravade, mais plutôt parce qu'il ne maîtrise pas encore les techniques du décollage et du vol, et qu'il retarde au maximum l'instant où il lui faudra se résigner à s'éloigner.
Il faudra bien une vingtaine de battements de pattes plus ou moins maladroits dans l'eau, pour que le corps profilé s'élève, et que cela commence vraiment à ressembler à un vol tendu!
Plus loin, sur un îlet dominé par la falaise, un groupe d'autres jeunes cormorans soigne sa peur de l'inconnu en se blotissant les uns contre les autres, de façon particulièrement inconfortable: je n'arrive pas à m'empêcher de penser à l'île d'Abu Dhabi, et à ses 450.000 habitants!...
Plus loin, immobile, et quasi invisible grâce à son plumage couleur de rocher, un butor s'absorbe dans la contemplation intéressée de la délicieuse faune aquatique, inconsciente du danger. A quoi peut-il bien penser, avec son regard fixe planté en oblique vers un point qui semble imaginaire, à portée de bec, dans les douces ondulations de la surface?
Bien au-dessus de lui, le héron, superbe de majesté, prend de la hauteur, ayant jugé que la barque motorisée de touristes avait désormais pénétré dans son espace de sécurité immédiate.
En le suivant de nos yeux éblouis par la pleine lumière, nous apercevons soudain, au plus haut des festons rocheux qui ornementent les falaises calcaires, les aires des aigles des mers.
Le spectacle est d'autant plus fascinant que l'oiseau est beau, rare, et qu'il est chargé de symbôles.
Tous les aigles que nous aprecevons sont en couples établis, et couvent placidement.
A l'approche du bateau, c'est immanquablement le mâle qui décolle le premier, pour aller se poser, en deux boucles virevoltantes, à une vingtaine de mètres de la femelle. Elle ne le rejoint qu'en toute dernière extrémité, et en silence.
Regard étonnant que celui de ce si bel oiseau: oeil vert, fixe, rehaussé comme par un épais trait de fard, en guise de sourcil.
Nous attendions les dauphins et les tortues.
Nous avons eu les oiseaux. Et quels oiseaux!